Afin de stimuler l'emploi dans notre pays, le gouvernement fédéral a décidé il y a plusieurs mois d'alléger la charge fiscale qui pèse sur le travail pour la réorienter vers d'autres sources des revenus. L'objectif est très simple et est excessivement louable : en diminuant les cotisations de sécurité sociale que paient les employeurs sur les salaires de leurs employés, il s'agit d'inciter ces employeurs à créer de nouveaux postes d'emplois et d'ainsi diminuer le taux de chômage dans notre pays, ce qui aura pour premier effet de diminuer les charges de l'Etat et en deuxième lieu d'augmenter le rendement des impôts touchant le travail. Ces différentes mesures ont été prises dans un plan capital, appelé communément le "Tax Shift".
Leleux Associated Brokers, en tant que première société de bourse indépendante de ce pays, et employant près de 125 collaborateurs, ne peut que se réjouir de cette initiative. La réduction annoncée des cotisations sociales de 33 à 25% à moyen terme va permettre à la société de bourse de libérer un budget qui sera entièrement réinvesti dans la création de nouveaux postes de travail. Dans ce contexte, 4 postes de travail ont déjà été créés à la suite de l'annonce du Tax Shift et deux autres postes sont en phase de finalisation.
Afin de financer cette réduction des charges, le gouvernement a pris plusieurs mesures, dont la création d'une nouvelle taxe sur les plus-values spéculatives, portant sur les ventes d'actions ou de produits financiers portant sur les actions, réalisées endéans les 6 mois de l'achat des instruments financiers, si ces transactions sont réalisées par des particuliers. Cette nouvelle taxe est entrée en vigueur le 1er janvier 2016.
Après trois mois de mise en application de cette nouvelle taxe, les prévisions pessimistes des spécialistes du marché des actions s'avèrent être correctes : la mise en place de la taxe sur les plus-values spéculatives a modifié le comportement des investisseurs particuliers :
- En premier lieu, de nombreux investisseurs ont décidé d'attendre les 6 mois avant de revendre les actions qu'ils ont acquisent depusi le 1er janvier 2016. En pratique, cela signifie que non seulement, ils ne paieront pas de taxe sur les plus-values spéculatives, mais qu'en sus, ils réaliseront moins de transactions puisque la durée de détention des actions est plus longue. Cela engendre une forte baisse du nombre de transactions en actions, et donc de la Taxe sur les Opérations de Bourse perçue par l'Etat.
- En deuxième lieu, d'autres investisseurs ont privilégié les transactions sur d'autres instruments financiers qui ne sont pas assujettis à la taxe sur les plus-values spéculatives. Ainsi, les trackers ou encore les warrants et les options sur indices ont connu des volumes en hausse durant ces derniers mois. Ici également, la taxe sur les plus-values spéculatives ne sera pas payée, mais la taxe sur les opérations de bourse, non applicable sur les options et les futures, ne sera plus non plus perçue.
- En troisième lieu, quelques investisseurs, souhaitant continuer à investir dans telle ou telle action, ont décidé d'utiliser les CFD (Contract For Differences) émis par plusieurs institutions financières. Ces instruments financiers ne sont pas côtés en bourse. Ils échappent donc à toute taxe sur les plus-values spéculatives, mais également à la taxe sur les opérations de bourse. Il convient également de remarquer que ces instruments sont hautement spéculatifs : ils impliquent l'appel de garanties que l'investisseur doit règler, faute de quoi sa position sera défaite sur les marchés. Là où un investisseur en actions peut se permettre d'attendre des jours meilleurs, l'investisseur en CFD à court de trésorerie peut se voir obliger d'acter une perte. L'investisseur en CFD prend également un risque de contrepartie, c'est-à-dire un risque sur l'émetteur du CFD en question, instrument non réglementé et non côté sur un marché réglementé.
- En dernier lieu, certains investisseurs ont simplément transféré leurs opérations en actions ou en instruments financiers portant sur des actions auprès d'intermédiaires financiers étrangers, qui ne doivent retenir ni la taxe sur les opérations de bourse, ni la taxe sur les plus-values spéculatives. En règle générale, ces investisseurs réalisent également toutes leurs opérations sur les instruments financiers (y compris ceux non soumis à la taxe sur les plus-values spéculatives) auprès de ces intermédiaires étrangers, privant l'Etat de la taxe sur les opérations de bourse sur ces opérations, mais aussi privant les intermédiaires belges de commissions sur les opérations, diminuant ainsi leurs bénéfices et le montant d'impôts qu'ils acquitteront à l'impôt des sociétés.
Chez Leleux Associated Brokers, ces quatre comportements ont engendré une baisse significative des prélèvements des taxes sur les opérations de bourse. Ainsi, le rendement de la taxe sur les opérations de bourse sur les transactions en actions a baissé de près de 48 % sur le premier trimestre 2016, par rapport au premier trimestre 2015. La société de bourse a ainsi prélevé un monant total de taxe sur opérations de bourse de 1.366.376,62 EUR au 31 mars 2016, contre un montant de 1.982.468,37 EUR au 31 mars 2015, soit une diminution du rendement de la TOB de près de 616.091,75 EUR sur un trimestre.
Parallèlement à cela, l'implémentation de la taxe sur les plus-values spéculatives a généré des rentrées nouvelles de l'ordre de 305.805,05 EUR sur le premier trimestre 2016. 9 opérations de clients particuliers représentent à elles seules un montant de taxe de 97.018,18 EUR, soit près de 31,72% des rentrées de la taxe. Ces 9 clients n'ont plus réalisé d'opérations après avoir payé la taxe en question.
En net, l'Etat belge aura donc subi une diminution de ces rentrées financières durant ce premier trimestre d'un montant de 310.286,70 EUR sur trois mois, soit en moyenne 103.428,90 EUR par mois. D'autres intermédiaires financiers belges relèvent le même phénomène (voir notamment les articles dans De Tijd et Trends Tendances où Keytrade Bank annonce une perte pour l'Etat de 125.000,00 EUR par mois).
Or, les banques en Belgique ne travaillent que fort peu en lignes directes. La très grande majorité de leurs clients investissent au travers de fonds communs de placement et non directement en actions. L'impact de la taxe sur les plus-values spéculatives est donc principalement auprès des sociétés de bourse et des banques spécialisées dans l'intermédiation boursière, comme Leleux Associated Brokers ou Keytrade Bank. La preuve est donc faite que ce nouvel impôt détruit de la valeur à très court terme et diminue les recettes de l'Etat.
Pire encore, les bénéfices même espérés du Tax Shift en termes d'emplois risquent d'être compromis. Il est évident que le maintien de la taxe sur les plus-values spéculatives engendrera une baisse du nombre des transactions financières et des commissions engendrées. Dans ce contexte, il faut non seulement craindre que les acteurs du secteur financier qui avaient prévu d'utiliser les économies réalisées par l'abaissement des cotisations de sécurité sociale pour engager de nouveaux collaborateurs, vont plutôt utiliser ces économies pour compenser la diminution de leurs revenus d'activités. Il existe également le risque de voir certains marchés boursiers, tels que le marché des produits dérivés d'Euronext, quitter la Belgique pour s'installer à Amsterdam ou à Paris. Ce qui se traduirait cette fois-ci par des pertes d'emplois.
Aussi, Monsieur le Ministre des Finances, je vous implore de supprimer la taxe sur les plus-values spéculatives. Ne vous méprenez pas, je ne vous demande pas de ne pas renfocer la taxation sur les revenus du capital. Il existe de nombreuses autres pistes que je me ferai un plaisir de vous présenter à votre meilleure convenance. Mais cette taxe sur la spéculation, sensée rapporter 34 millions d'euros au budget de l'Etat, ne fera que diminuer les recettes de celui-ci, sans en aucun cas contrer la spéculation sur les marchés financiers. Car plus de 95% des transactions réalisées sur notre ancienne bourse de Bruxelles sont réalisées par des intermédiaires qui ne sont pas impactés par cette taxe. La spéculation qu'il convient d'enrayer, n'est en rien touchée par la nouvelle taxe sur les plus-values spéculatives. A l'heure où la fraude fiscale à l'étranger défraie les chroniques des journaux, le maintien d'une taxe poussant les investisseurs vers des produits plus spéculatifs et plus risqués, ou vers l'étranger, paraît tout à fait illogique.
Monsieur le Ministre des Finances, d'autres solutions de financement existent. Et nous sommes tout à fait prêts à en discuter, avant qu'il ne soit trop tard.
Olivier Leleux
Président du Comité de Direction