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Pour une solution simple, rapide et efficace


Depuis plusieurs mois, le gouvernement fédéral a pris, dans le cadre de l’assainissement des finances publiques belges, un certain nombre de dispositions visant à augmenter la fiscalité sur l’épargne. Les mesures principales peuvent ainsi se résumer en trois volets. Tout d’abord, deux augmentations successives de la taxe sur les opérations de bourse (une première augmentation de 30% effective au premier janvier 2012, une seconde du même ordre dans les mois qui viennent). Ensuite, le gouvernement fédéral a relevé de 15 à 21% le taux de précompte mobilier frappant les revenus mobiliers d’instruments financiers à taux fixe (soit une augmentation de l’ordre de 40% de la taxe). Finalement, le gouvernement a instauré une nouvelle cotisation complémentaire de 4% sur les revenus mobiliers précomptés à 21%.

Si les épargnants ont accepté, sans rechigner, de participer à l’effort collectif pour redresser nos finances publiques et paient désormais les nouveaux taux de précompte mobilier et de taxes sur opérations de bourse depuis le 1er janvier 2012, l’imposition d’une nouvelle cotisation complémentaire crée un climat peu propice au développement économique de notre pays, et ce à plus d’un titre. J’en retiendrai trois.

La simplification administrative, vraiment ?

Ainsi, alors que le gouvernement fédéral a inscrit dans sa politique générale la simplification administrative, la nouvelle cotisation complémentaire de 4% complexifie de manière exponentielle une matière qui n’était déjà pas des plus simples au départ. Sa correcte perception implique, outre la suppression du caractère libératoire du précompte mobilier (sur lequel je reviendrai plus tard), un travail colossal de la part des institutions financières et du Ministère des Finances, à la vue duquel l’on est en droit de se demander si tout cela en vaut bien la peine. Ainsi, chaque épargnant doit communiquer, pour chaque exercice fiscal, le mode de prélèvement de cette taxe qu’il souhaite voir exercer sur son compte (et ce auprès de chaque institution financière auprès de laquelle il dispose d’avoirs mobiliers). Pour prendre leur décision en connaissance de cause, ces épargnants ont besoin d’une estimation des revenus qu’ils vont toucher durant l’exercice fiscal et à défaut, une valorisation des revenus touchés l’exercice précédent, et ce auprès de chaque institution financière. Une fois le mode de prélèvement choisi par l’épargnant, c’est au tour de l’institution financière d’enregistrer cette information dans ses systèmes informatiques à adapter, le tout en tenant compte de la multitude des situations particulières qui peuvent exister : clubs d’investissement, comptes en indivision, comptes de clients mineurs ouverts par les grands-parents, sans parler des comptes en nu-propriété et usufruit. L’information connue, il convient alors de retenir ou non la cotisation spéciale de 4% à chaque paiement d’intérêts, à chaque opération sur titres, à chaque bordereau établi, soit des centaines d’applications à modifier. En fin d’exercice fiscal, les institutions financières devront alors d’une part envoyer des attestations fiscales aux épargnants et d’autre part envoyer au Ministère des Finances les informations sur les revenus mobiliers perçus sur lesquels la cotisation spéciale n’a pas été retenue, et ce par des moyens informatiques sécurisés qui doivent être développés d’ici à juillet 2013. Reste alors au Ministère des Finances à absorber ce flux de données et à organiser leur transfert vers les différents contrôleurs des contributions une fois que les revenus mobiliers bruts touchés dépassent les 20.020 EUR. On ne peut que le constater : on est bien loin de la simplification administrative que d’aucuns au gouvernement fédéral se targuaient de vouloir mettre rapidement en place.

Le financement des PME en danger

Outre ces nouvelles formalités administratives sans aucune valeur ajoutée, la cotisation complémentaire de 4% implique une discrimination entre les placements financiers qui peuvent porter préjudice à notre économie, et plus particulièrement au financement des PME. En effet, l’épargnant souhaitant que ses revenus mobiliers ne soient pas communiqués à l’administration fiscale (que ce soit pour une bonne ou une mauvaise raison, la question n’est pas là) doit désormais se limiter à investir dans des produits financiers dont les revenus sont précomptés à 21% et demander à son (ou à ses) institution(s) financière(s) de retenir les 4% de cotisation complémentaire. Dans ce cas de figure, il n’y a pas de déclaration au ministère des finances.

Si ce comportement devait prendre de l’ampleur, et l’on sait en Belgique la méfiance que les contribuables portent envers le fisc, ne risquerait-on pas de voir un déplacement des investissements vers ces produits financiers précomptés à 21%, au détriment de ceux précomptés à 25% qui seront d’office déclarés ? Ne crée-t-on pas un système où les épargnants seront plus tentés d’investir leurs économies dans des actions disposant de strips VVPR (dès lors précomptés à 21% et pouvant faire l’objet de la cotisation complémentaire), au détriment de toutes les actions ne disposant pas de cette faculté ? Il suffit de consulter la cote d’Euronext Bruxelles pour remarquer qu’il ne reste plus qu’une petite vingtaine d’entreprises qui disposent encore de strips VVPR, et que celles-ci sont toutes des grands groupes belges ou internationaux. Par contre, qu’arrivera-t-il aux EVS, etc., et surtout aux futures petites sociétés, cherchant leur financement demain auprès de la Bourse ? Les grandes institutions financières se sont détournées il y a plusieurs années de ces PME pour lesquelles reste seul le recours au marché des capitaux pour se financer. Ne joue-t-on pas gros en créant une discrimination entre ces grandes entreprises avec strip VVPR et ces PME sans strips VVPR ?

Ajouter de l’incertitude dans un climat incertain

La cotisation complémentaire a un dernier désavantage, loin d’être anodin. Elle implique la disparition du caractère libératoire du précompte mobilier. Dans une époque où les citoyens des Etats européens savent que les caisses sont vides, cette disparition plonge les épargnants dans une incertitude sur la fiscalité à venir. Va-t-on vers la constitution d’un cadastre des fortunes, souhaite-t-on intégrer les revenus mobiliers dans l’assiette globale d’imposition des contribuables, ne va-t-on pas élargir la base de la cotisation complémentaire sur tous les revenus mobiliers ? Après les désastres financiers qu’ont générés chez plus d’un épargnant les débâcles de Fortis et de Dexia, à l’heure où la crise des dettes souveraines met sous pression les cours de tous les actifs financiers et où l’on évoque chaque jour dans les médias une sortie éventuelle de la Grèce de la zone Euro, est-il véritablement utile d’ajouter encore de l’incertitude et de l’anxiété à des épargnants qui arrivent à leur seuil de tolérance ?

Une solution simple, rapide et efficace

Ces différentes réflexions m’ont amené à une seule conclusion qui est partagée par de nombreux collègues des institutions financières que je côtoie et par une très grande majorité des épargnants que je rencontre chaque jour.

Le gouvernement doit supprimer la cotisation complémentaire de 4%, rendre au précompte mobilier son caractère libératoire et imposer un taux unique sur tous les revenus mobiliers de 25%. Cette solution a le mérite de supprimer toute forme de discrimination entre les placements financiers, elle assure l’appel public à l’épargne pour les PME à la recherche de financement, elle permet de simplifier singulièrement la législation en vigueur en matière de taxation des revenus mobiliers (suppression des strips VVPR, taux de précompte différents en fonction des dates d’émissions, etc …) et surtout, elle rapportera directement et immédiatement de nouvelles recettes complémentaires à l’Etat fédéral, sans avoir à investir dans la mise en place d’un nouvel impôt.

J’en appelle au bon sens et au pragmatisme des hommes et des femmes qui constituent notre gouvernement fédéral. J’en appelle à leur sens des responsabilités et au réalisme dont ils ont déjà fait preuve à de nombreuses reprises par le passé.

Olivier Leleux
Administrateur exécutif